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Daniel Gérino, Président et directeur de la gestion de Carlton Selection

le 17/05/2017 18:31:00

Quel regard portez-vous sur l'évolution du marché des actions français ces dernières semaines ? En particulier comment interprétez-vous la quasi-stagnation de ce marché qui prévaut depuis la désignation d'Emmanuel Macron comme nouveau président ?

La période qui a précédé les élections présidentielles s'est caractérisée par d'importantes positions de couverture chez les investisseurs en écho à la menace d'une victoire d'un représentant de partie extrême aux présidentielles. Le dénouement du premier tour et les résultats des divers sondages dans l'entre-deux tour a permis de suffisamment rassurer pour raviver un certain appétit pour le risque et pousser à un retour sur le marché actions.

Une majeure partie des investisseurs internationaux ont fait le choix de s'exposer à des larges capitalisations, faciles à acheter. A la suite de l'élection d'Emmanuel Macron, un président favorable à un certain libéralisme économique, à la mondialisation, aux marchés financiers, des prises de bénéfices ont été faites.

Concomitamment, il est apparu outre Atlantique que l'administration de Donald Trump avait de plus en plus de peine à mettre en place les réformes de relance promises. En témoigne notamment l'important fléchissement du prix des matières premières. Depuis fin mars, le fer a perdu 30%, le cuivre 10%.

A cela s'est ajouté le fait qu'en Chine, la transition voulue par le président Xi Jinping par la mise en oeuvre d'une politique économique qui donne préférence à la construction et à la consommation domestique sur l'industrie productive se révèle difficile à orchestrer. En découlent un ralentissement de la dynamique de croissance et la publication d'indicateurs avancés quelque peu défavorables.

Que pressentez-vous à présent pour le marché dans les mois à venir ?

Difficile de le dire. Le PE du marché des actions français se situe autour de 17. Le Cac 40 a gagné près de 11% depuis le début de l'année. Depuis 2015, le marché parisien est le marché le plus performant au monde après le Nasdaq. En somme, nous pouvons considérer que le rattrapage a en grande partie été réalisé. En particulier, le retard à l'allumage lié à l'aléa politique a disparu.

Vraisemblablement il y encore du momentum sur le marché. Les entreprises sont en meilleur santé. La croissance économique est au rendez-vous. Est attendue une hausse du PIB de 2% pour l'Europe et de 1,5% pour la France.

La visibilité est-elle suffisamment bonne pour présager de ce que pourrait être la suite des évènements ?

A ce jour, nous nous attendons à devoir traverser des périodes compliquées. Tout d'abord en raison des élections législatives programmées en juin. Par ailleurs, nous tablons sur le fait qu'à l'automne, Angela Merkel prenant appui sur sa réélection voudra imposer son diktat à la France.

Que voulez-vous dire ?

Il est fort probable que Madame Merkel demande à Emmanuel Macron d'adopter les mesures requises au niveau européen.

Un risque non négligeable pour le marché français réside dans une correction du marché des actions américain ?

Il n'est pas exclu que nous devions faire face à une correction sur le marché des actions américain. Les indices américains ont atteint un niveau record. Les PE affichés sont extrêmement élevés avec désormais des perspectives de résultats assez faibles.

Si une telle désaffection se concrétise, cela ne sera pas sans répercussion sur le marché des actions européen et donc sur le marché des actions français.

Comment expliquer le coup d'arrêt qui se profile aux Etats-Unis ?

Les Etats-Unis connaissent pour l'heure une croissance de 0,7% en rythme annualisé. Le consommateur américain a plus de revenus notamment grâce à la baisse des impôts à 15% mais dépensent un peu moins. L'épargne américaine est en progression. Le rythme de la hausse du crédit distribué aux ménages est passé de 8% à 4%.
Qui plus est, le moteur du commerce international est quasiment éteint depuis plusieurs mois. Enfin, c'est le premier trimestre depuis longtemps que l'investissement a une contribution positive.

A quel horizon voyez-vous cette correction se dessiner ?

Des prémisses devraient apparaitre dès cet été. La mise à mal devrait être plus sévère sur le S&P 500 et le Dow Jones que sur le Nasdaq. Les sociétés de haute technologie étant plus immunes aux craintes de nature macroéconomique.
L'affaissement pourrait atteindre 9%/10% sur les deux premiers marchés.

Dans la foulée, le Cac 40 pourrait perdre 7% à 8% et revenir vers les 5100/5000 points.

Un autre phénomène en défaveur du marché des actions européen à prendre en compte est la baisse des taux d'intérêt ?

La baisse des prix des matières premières, sur fond d'un débouclage massif des positions longues des investisseurs en raison d'une croissance américaine et chinoise décevante, va avoir une incidence négative sur l'inflation. S'en suivra de ce fait une détente des taux nominaux dix ans en Europe. Cela sera avantageux pour le service de la dette qui représente 100% du PIB et dont le taux embarqué est de 1,65% mais cela sera défavorable pour le marché actions.

Au delà de cette considération, il est à mentionner que consécutivement à la montée du marché, les taux de dividende se sont substantiellement amoindris.

Pensez-vous que le Cac 40 pourrait reprendre son chemin haussier le reste de l'année ?

Le Cac 40 pourrait remonter le reste de l'année si la réunion franco-allemande s'avère constructive.

Cela ne sera pas évident. Emmanuel Macron n'a rien prévu dans son programme en ce qui concerne la trajectoire de la dette. Alors que le chef économiste du FMI, Olivier Blanchard avait annoncé un multiplicateur sur le déficit de l'ordre de 0,9/1,7, d'autres économistes il est entre 1,5 et 2,5. Dit autrement, 1% de réduction du budget était susceptible 2,5% de baisse du PIB.

Pour autant, la réactivation de cet axe franco-allemand est une hypothèse plausible. Contrairement à François Hollande, Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir dans une France en croissance. Sa tâche est alors facilitée pour implémenter les réformes adéquates. D'un autre côté, l'Allemagne pourrait alors être amenée à lâcher du lest sur la dépense budgétaire qui aidera le redémarrage de l'Europe et sera une bonne nouvelle pour le marché des actions européen.

Qu'en est-il de votre allocation d'actifs à ce jour ?

Nous n'avons pas d'actions américaines. Nous sortons progressivement des actions européennes.
Nous sommes très exposés sur le crédit high yield européen où nous avons d'importants coupons qui apportent une bonne protection contre le risque de défaut.
Nous avons initié des positions sur les obligations indexées sur l'inflation européennes et américaines. Nous avons acheté des indices de consommation discrétionnaire et des indices bancaires.
Nous escomptons de retourner sur l'or après en être sortis pour prendre nos bénéfices.

La sortie des actions européennes se veut temporaire ?

Elle est temporaire et opportuniste. Comme nous avons engrangé de bonnes performances nous ne voulons pas faire courir de risques inutiles à nos clients.
Nous envisageons notre retour cet été, lorsque le marché commencera a franchement baisser.

Quels biais seriez-vous conduit à choisir ?

Nous reviendrions avant tout sur les large caps. Le cycle sur les small et mid caps étant, à notre sens proche de sa fin.
Nous serions tentés d'aller en priorité sur les marchés des actions italien et espagnol.
Il y a encore à gagner dans le secteur bancaire et la consommation cyclique. Le stock de crédits se reconstitue et permet de regénérer des commissions substantielles, les salles de marchés peuvent générer à nouveau beaucoup de revenus.

Nous aurions une réticence à aller sur le secteur des services aux collectivités en raison de la dette et des contraintes de déficit à gérer.

Nous resterions sous pondérés sur les valeurs de haute technologie comme Atos, Altran sur lesquels nous pensons que le rallye est allé trop loin.

Quid de la sphère émergente et du compartiment des devises ?

Du coté des émergents, nous apprécions le marché des actions russe qui a enregistré la deuxième meilleure performance au niveau mondial en 2016. L'appréciation du rouble est porteuse. La Russie est en train de sortir de récession avec une balance commerciale en amélioration. Elle devrait tirer avantage de la récupération du cours du baril sur fond d'un prolongement de l'accord de l'OPEP et de la levée des sanctions de l'Europe. Le taux de base bancaire de référence de Moscou a décliné de 14% à 9%.

Le pari sur le dollar serait plutôt baissier. La Fed ne devrait pas considérablement remonter ses taux d'intérêt et les Etats-Unis ont besoin de trouver une nouvelle source d'expansion, à savoir le commerce international

2017-05-16 10:48:31 - Copyright © 2006 http://www.easybourse.com

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